samedi 30 avril 2011

Syngué sabour : pierre de patience / Atiq Rahimi. - POL, 2008


Quelque part en Afghanistan ou ailleurs (tant la souffrance et le malheur sont ce qui se partagent le mieux…) dans une maison détruite par les bombes une femme veille son homme.

Dans un coin, gisant dans une sorte de coma, elle lui parle. C’est à partir de la qualité du silence qui lui est imposé, sans plus craindre, ni jugement ni sentence, qu’elle va s’autoriser, à la prise d’une parole, de plus en plus libératrice.

Tantôt avec colère ou jubilation, elle libère ce qu’elle avait jusque là contenu. Elle nous livre sa part d’indicible, qui s’apparente alors à une authentique déconstruction.

Elle nous donne à entendre le sort de toutes ces destinées, qui comme elle, bien que vivantes, n’existent pas… ailleurs que dans la croyance et la tradition… ailleurs que dans le désir et le vouloir des hommes.

Elle nous rend compte que dans cette société, où le vivre avec n’existe pas, les femmes ne peuvent devenir autres choses que ce qu’ils veulent bien qu’elles soient.

Elle nous renseigne, à quel point, ils sont dans l’exercice d’un pouvoir d’actions mortifères qui ne partage pas, là ou elles sont dans celui d’un devoir d’adoration exclusif qui ne se discute pas et dans lequel se mêle, respect et culpabilité, au nom de la quête illusoire d’une reconnaissance impossible.

"On ne peut plus dormir quand on a une fois ouvert les yeux" nous dit Paul Eluard, ce livre illustre son propos à merveille et devrait contribuer à réveiller la part d’humanité, tapie
en chacun de nous.
Jean Louis Bouteila, lecteur

Prout de mammouth / Noé Carlain, Anna Laura Cantone. - Ed. Sarbacane, 2006


Anna-Laura Cantone ravit petits et grands à travers cet album amusant aux illustrations somptueuses et hilarantes.
Pour le texte, on pense aux blagues des cours de recréation … en plus recherché quand même !
"Prout de Mouette, avis de tempête !, prout de canard, seul dans la mare ! , prout d’hippocampe …tout le monde décampe !, prout de colibri,…refrain joli !, et Prout de mammouth …  ça ….je vous laisse deviner !
On peut continuer à trouver avec les enfants, d’autres rimes avec d’autres animaux !
Céline, espace Jeunesse

L'affaire de l'esclave Furcy : récit / Mohammed Aïssaoui. - Gallimard, 2010


Ni roman ni documentaire mais écrit sous forme de lecture commentée des pièces d’un dossier judiciaire exceptionnel, ce livre nous renvoie à l’histoire douloureuse de l’homme réduit au rang d’esclave dans le silence lié à l’absence d’identité, au cynisme de la société coloniale et au caractère diabolique de la justice coloniale.
A lire avec un regard contemporain sur l’exploitation de l’homme par l’homme qui continue malheureusement de sévir. Passionnant.
Sylvie Dubourg, Lectrice

Beurk / André Bouchard – Seuil jeunesse; 2004.

Un poisson dans une assiette, raconte son histoire dégoûtante à souhait, pour éviter de se faire manger.
Un album pas très ragoûtant et très amusant  à faire lire à tous ceux qui disent "beurk" avant d’avoir goûté leur plat !
Céline, espace Jeunesse

Katiba / Jean-Christophe Rufin. - Flammarion, 2010

Katiba, joli nom qui sonne bien à mes oreilles, mais qui cache une réalité fort peu sympathique puisqu’il s’agit d’un groupe armé mobile de combattants islamistes dépendant plus ou moins de l’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique).
Dès le premier chapitre, le lecteur est mis dans l’ambiance de ce thriller où se côtoient (c’est un euphémisme !), la CIA, Providence, une agence privée de surveillance et de renseignement, les services secrets algériens, le Quai d’Orsay et des groupes armés dans la mouvance d’Al Qaïda.
Tout ce roman tourne autour de l’énigmatique Jasmine, une jeune veuve de consul en Mauritanie. Son père, agent d’assurance français, appartient à une famille bourgeoise aisée. Sa mère, algérienne , fille d’un Kabyle, ancien soldat de l’armée française, cinquième d’une famille de huit enfants était femme de ménage chez son père. La vie de Jasmine oscille sans cesse entre ses deux appartenances française et algérienne et deux religions catholique et musulmane.
On lit d’une seule traite ce livre qui nous emporte dans un monde de terroristes, d’espions, d’agents doubles où la vie des gens même « innocents » compte peu face aux intérêts "supérieurs" de quelques-uns.
Anne-Marie Darrouzes, Lectrice

ÖKO : un thé en hiver / Mélanie Rutten . – Editions MéMo, 2010.

Ce roman a obtenu le Prix sorcières 2011, dans la catégorie Premières lectures
C’est l’hiver. Madeleine est morte. C’était un peu la grand-mère de tout le monde, Madeleine.
Öko la grenouille, Nour, Mitsu, Roman et bien d’autres l’enterrent, puis, ils se réunissent chez elle, pour se souvenir.
Ils rient malgré tout et évoquent ces bruits étranges entendus la nuit. Certains affirment qu’un yéti rôde dans la forêt …
Mélanie Rutten est auteure-illustratrice belge. Elle aborde dans cette touchante histoire plusieurs thèmes.
La mort, la transmission, l’amour et enfin, la peur de ce qui nous est étranger. Au fil de cette histoire, découpée en courts chapitres, comme pour rythmer les saisons et la confusion des sentiments après un deuil, nous nous apercevons que tout s’imbrique.
Malgré la gravité du sujet principal, Mélanie  Rutten réussit à créer tout un rassurant et émouvant. Sa technique d’illustration : l’aquarelle, non sans évoquer Kitty Crowther dont elle fut l’élève, y est pour beaucoup.
Mélanie  Rutten est également l’auteure de "Mitsu, un jour parfait", sur la mélancolie. Elle confirme ainsi son talent dans la transcription des sentiments.
Chrystelle, espace Jeunesse

De quelle couleur est le vent ? / Anne Herbauts. - Casterman, 2011

Un magnifique album sensoriel,  poétique. Les illustrations ont du relief à la manière d’un tableau, une particularité rendue possible grâce à la technique du vernissage.
C’est l’histoire d’un enfant aveugle, qui se pose la question :

"De quelle couleur est le vent ?"

Il part à la recherche d’une réponse ; il interroge le chien,  le loup, la montagne, les abeilles, l’eau, un oiseau, etc.
Voici les réponses qu’il obtient :
Le vent a "l’odeur sombre de la forêt" dit le loup, "le jaune du soleil" disent les abeilles, "la couleur du temps" dit la fenêtre, etc.
Le vent est  "Tout à la fois, tout ce livre là" puisqu’il suffit de prendre le livre, et "le pouce contre la tranche", laisser  courir les pages ! pour sentir le vent du livre.
Anne Herbaut mêle avec talent des effets tactiles, sensoriels, visuels, pour flatter nos sens.
On a un plaisir immense à sentir ce vent poétique à travers les pages.
Céline, espace Jeunesse

Dans la mer il y a des crocodiles : l'histoire vraie d'Enaiatollah Akbari / Fabio Geda ; Samuel Sfez. - L. Levi, 2011

"Dans la mer il y a des crocodiles" est le récit à la première personne de l’odyssée d’Enaiatollah Akbari.
Contrairement à l’Odyssée d’Homère dont le héros fictif Ulysse revient à Ithaque, l’histoire d’Enaiat est vraie, et lui, part de son village natal.
Enaiat appartient à l’ethnie des Hazaras, ethnie haïe des Pachtounes et des talibans.
"Les talibans ont un dicton : aux  Tadjiks le Tadjikistan , aux Ouzbeks l’Ouzbékistan, aux Hazaras le Goristan. Gor signifie tombe."
Ce petit garçon de 10-11 ans va donc quitter son village - "mon petit village, cette bande de terre, de maisons et de torrents d’où je viens, le plus bel endroit du monde (je ne dis pas ça pour me vanter, mais parce que c’est vrai), situé dans la vallée de Ghazni" - en Afghanistan. Car, pour soustraire son fils au destin de la plupart des hommes du village et lui permettre de connaître peut-être une vie meilleure, sa mère s’est résolue à l’amener à Quetta au Pakistan. Là elle l’abandonne après lui avoir fait promettre de ne jamais faire trois choses :
-         prendre de la drogue
-         utiliser des armes
-         voler.
Il arrivera à Turin en Italie quatre à cinq ans plus tard, après avoir parcouru plusieurs milliers de kilomètres en passant par le Pakistan, l’Iran , la Turquie et la Grèce.
Grâce à son courage et à sa détermination, avec quelques coups de chance aussi parfois, Enaiat surmontera tous les obstacles et trouvera la vie meilleure que sa mère espérait pour lui. 
Anne-Marie Darrouzes, Lectrice